Crédit photo: Julia Abou Daher de l’Académie libanaise des Beaux-Arts
Sur la scène internationale, Khabbaz ne cesse d’étendre son influence. Il présente actuellement sa pièce de théâtre « Khyel Sahraa » au Casino du Liban et travaille sur un film en Allemagne, sous la direction du réalisateur syrien Amir Fakhr Al-Din. Ses projets ne s’arrêtent pas là : un autre film est prévu au Canada pour septembre, et une série télévisée qu’il a écrite sera bientôt en tournage cet automne. Quel homme se cache derrière ce bourreau de travail ?
Dans un cadre envoûtant, au milieu des cyprès du Liban, nous avons rencontré une figure intrigante. Ses cheveux poivre et sel, encadrent un visage marqué par un regard profond et évasif, qui semble savoir quelque chose que nous ignorons. Un sourire énigmatique effleure ses lèvres. Son allure dégage une aura de sagesse mêlée de mystère. Georges Khabbaz, acteur, auteur et metteur en scène, séduit autant dans la vie de tous les jours que sur scène.
Son amour pour le théâtre a commencé dès son bas âge, puisqu’il est né dans une famille où l’art était au cœur de la vie quotidienne « mes parents sont des acteurs, unis par leur passion pour le théâtre et l’art », se souvient-il, « de plus, mes oncles sont musiciens, ce qui m’a aidé à la découverte précoce de mon talent et à son développement. » S’il est parvenu à trouver succès au théâtre, c’est, selon lui, grâce à deux éléments importants qui ont façonné sa trajectoire : « son talent inné » et le contexte dans lequel il a grandi.
Évoquant le théâtre avec une profonde admiration, il le considère bien plus qu’un simple métier « Je n’appelle pas cela un métier, mais un honneur », a-t-il déclaré avec conviction. Le théâtre constitue « un puissant moyen d’expression à travers lequel je donne voix à mes pensées, en dévoilant les vices de la société. » Il croit fermement au pouvoir unificateur du théâtre et le décrit comme une « bénédiction dans l’une de ses formes les plus magnifiques ». Pour lui, le théâtre transcende les différences et réunit les gens, il suscite en eux un éventail d’émotions allant des rires aux larmes et les pousse à réfléchir profondément sur les problèmes de l’humanité.
L’Autre au cœur
Dans un monde marqué par l’intolérance, Georges Khabbaz se démarque en s’engageant dans l’acceptation de l’Autre avec toute sa différence. Dans son théâtre, il met en scène un problème majeur de notre société contemporaine qu’est l’intolérance. Dans son film « Ghadi », Georges Khabbaz, ne se contente pas uniquement de traiter la question de l’autisme, mais aborde également la question de la différence sous toutes ses formes, qu’elles soient physiques, sociales, religieuses ou raciales. Ainsi, il souligne l’importance de la tolérance dans un monde où l’acceptation de l’Autre s’avère presque impossible. C’est après avoir collaboré avec l’association Sesobel, qui s’occupe des personnes ayant des besoins spécifiques, que Khabbaz prend conscience de la manière dont la société perçoit souvent les différences et avec quelle cruauté elle traite ceux qu’il appelle « ces anges au cœur pur ».
Fervent défenseur du rôle social de l’artiste, il souligne avec conviction que « l’artiste est l’un des plus grands influents » et il tient une grande responsabilité de transmettre des messages positifs. Il affirme que « l’art est l’inspirateur le plus important de la beauté, de la joie et de la liberté », en insistant sur le pouvoir transformateur de l’art dans la société. En effet, il insiste avec éloquence et dans un style empreint de poésie que l’art, dans toute sa splendeur, est l’essence même de l’humanité, une lumière qui éclaire les âmes et un souffle qui anime les esprits.
En équilibre entre art et politique
Son engagement artistique se manifeste, de même, à travers des projets ambitieux comme le film « Brando el Sharq », où il explore les thèmes de la famille et du racisme avec une détermination sans faille. Cet engagement pour les questions sociales transparaît également dans sa participation à la série « Nar bel nar », où il aborde les réalités atroces de la société contemporaine. Pour Khabbaz, les artistes ont une responsabilité particulière en tant que véritables représentants de la réalité sociale « ils doivent transmettre honnêtement leur contexte social sur scène ou à la télévision », déclare-t-il.
Auteur de plusieurs pièces de théâtre à succès comme « Mech mekhtelfin », « Matloub », et « Ella iza », l’acteur explore inlassablement le thème de l’acceptation et du dialogue intergénérationnel. Même face au manque de communication entre les parents et les enfants, il insiste pour incarner des rôles tels que celui du Dr Walid dans le film « As7ab wala a3az », où il aborde des questions sociétales importantes.
Pour Khabbaz, chaque projet artistique est porteur d’un message ou d’une cause spécifique que l’artiste cherche à exprimer ou à défendre avec force et conviction. « Je ne participe jamais à un projet sans qu’il y ait un message ou une cause spécifique que j’aime faire parvenir aux gens », affirme-t-il. Son parcours artistique est marqué par de nombreuses collaborations fructueuses avec des artistes de renom, notamment Duraid Lahham, Antoine Kerbaj, Antoine Moltaka, et Nadine Labaki. Avec talent, il a écrit et interprété des œuvres mémorables telles que « Kafarnahoun » et « As7ab wala a3az ».
Son but est de créer un monde où l’art occupe une place centrale dans l’éducation. Il milite pour que les matières artistiques soient intégrées aux programmes scolaires avec une importance équivalente à celle des disciplines scientifiques.
Pour lui, un monde « sans art et sans culture » ne vaut rien.
Un peuple qui ne va pas au théâtre se prive d’une source inestimable de réflexion et d’émotion, d’un miroir vibrant de ses propres joies et souffrances, d’un espace où se tissent les rêves et les réalités, et où l’âme collective trouve à s’exprimer et à se renouveler.
Pour Georges Khabbaz, l’art est bien plus qu’un simple passe-temps ; il est un puissant vecteur de transformation positive dans la société. Pour devenir véritablement artistes engagés, créateurs, il faut que l’art constitue cette force motrice qui pousse vers le bien et le développement de l’humanité. Car, le talent seul ne suffit pas. Il doit être nourri par la culture et guidé par l’intelligence.
Portrait écrit par:
Roberto BICHANI, Rouah HASSOUN et Séréna YOUNES du Collège des Frères Deddeh (Koura)
Dans le cadre du projet “Plumes engagées, la jeunesse libanaise s’exprime” porté par l’Institut français du Liban à l’occasion du Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre 2024 en France, en partenariat avec L’Orient-Le Jour , l’Académie Libanaise des Beaux-Arts (Alba), YOMKOM, avec le soutien d’ALAMsuisse et ChangeLebanon!
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