Economie

CEDRE, enjeux et règles du jeu

CEDRE | Tu as peut-être déjà entendu parler des conférences de Paris : Paris 1, Paris 2 et Paris 3… CEDRE est la suite, certains l’appellent Paris 4. Parce qu’il s’agit d’une conférence qui a réuni le 6 avril 2018 dans la capitale française un grand nombre de pays et d’institutions internationales dans l’objectif affiché de venir en aide au Liban. Aujourd’hui, alors qu’il est déjà très en retard pour adopter le budget 2019, le gouvernement est pressé de toutes parts pour respecter les engagements de réformes pris lors de CEDRE.

Pourquoi aider le Liban ?

La mauvaise gestion économique et financière du Liban mais aussi les chocs géopolitiques qu’il subit l’exposent à des risques importants. Le fait d’accueillir plus d’un million de réfugiés syriens accroît cette fragilité mais donne aussi un argument aux autorités libanaises pour réclamer aux autres de partager cette charge, sachant que les pays riverains de la Méditerranée craignent un afflux de migrants en Europe.

Que veut dire CEDRE ?

La réunion a été baptisée CEDRE plutôt que Paris 4 en clin d’œil au symbole national du Liban, mais aussi parce que cette fois l’approche est un peu différente. CEDRE est un acronyme qui signifie Conférence Economique pour le Développement par les Réformes avec les Entreprises. L’idée est que, cette fois, les bailleurs – c’est-à-dire les pays et les institutions qui vont soutenir financièrement le Liban en lui prêtant de l’argent à des conditions préférentielles – posent des conditions : pour obtenir de l’aide, le Liban est appelé à faire des réformes.

En quoi consiste CEDRE ?

D’un côté les bailleurs ont promis d’engager jusqu’à 11 milliards de dollars de financement au Liban. C’est une très grosse somme : elle représente environ 20 % de la taille de toute l’économie libanaise.

De l’autre, les autorités libanaises ont présenté un plan d’investissement dans les infrastructures (électricité, eau, transports, déchets, etc.) auxquelles elles veulent associer le secteur privé et se sont engagées à des réformes.

De quelles réformes parle-t-on ?

Elles sont de trois ordres.

  • Les premières réformes sont structurelles. Le Liban qui est l’un des pays les plus corrompus au monde et dont l’administration est la moins efficace doit revoir toute une série de lois, de procédures et de mécanismes de contrôle qui constituent le cœur de la gestion d’un Etat. Cela va de la façon d’établir le budget de l’Etat, à la manière d’organiser des appels d’offres pour attribuer des contrats publics, aux modalités de surveillance et de contrôle de tout cela, sachant qu’il s’agit d’argent public, c’est-à-dire de l’argent des citoyens dont il faut contrôler l’usage dans l’intérêt des citoyens.

 

  • Les deuxièmes réformes sont sectorielles. Pour régler les problèmes de l’électricité par exemple, il faut mettre en place un plan stratégique et aussi lever les obstacles politiques et administratifs qui empêchent de le mettre en œuvre.  Pour cela il faut une volonté politique claire, parce que toute le monde est conscient qu’en 2019, le problème n’est pas dû à des difficultés technologiques – on sait produire de l’électricité depuis des décennies – mais à ce qu’on appelle de la mauvaise gouvernance.

 

  • Les troisièmes réformes concernent les finances publiques. Le Liban est le troisième pays le plus endetté au monde (après le Japon et la Grèce).

    Au total, sa dette est de 80 milliards de dollars. Cela représente autour de 13,114$ par Libanais résident dans le pays.

    Et son budget est très déficitaire au point que non seulement il n’est pas en mesure de rembourser sa dette, mais celle-ci ne fait qu’augmenter. Cette dynamique n’est pas tenable. Pour l’inverser, il faut faire ce qu’on appelle un ajustement budgétaire, c’est-à-dire rééquilibrer la part de ce que l’Etat dépense par rapport aux revenus qu’il collecte (essentiellement à travers les impôts). Ce rééquilibrage est particulièrement difficile à faire parce que cela suppose de prendre plus d’argent à certains groupes et d’en distribuer moins à d’autres.

Où en est-on aujourd’hui ?

Que ce soit au niveau des réformes promises ou à celui des projets d’infrastructures, la « copie » des autorités n’est pas convaincante : les mesures sont proposées sans plan ou stratégie et leur incapacité à prendre la mesure de l’urgence est même inquiétante, comme en ont témoigné les tergiversations interminables pour la formation d’un gouvernement. De plus en plus d’organisations non gouvernementales cherchent donc à s’impliquer dans le champ politique, c’est-à-dire la gestion des affaires publiques.

Article écrit par S. R.

 

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